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Ils ont la paroleInterview

Rencontre avec Frédéric Hérion

Fin du marché de la Batte à Liège | 2016 de Frédéric Hérion
Fin du marché de la Batte à Liège | 2016 de Frédéric Hérion

Bonjour Frédéric. Pourrais-tu te présenter en quelques lignes s’il te plait ?

Bonjour et tout d’abord merci pour cette invitation sur votre site que je suis sur Twitter depuis plusieurs années. Mon nom est Frédéric Hérion, j’ai 52 ans et je vis à Liège dans l’Est de la Belgique. Je suis photographe de formation mais je travaille actuellement dans le domaine de la publicité.

Depuis combien de temps pratiques-tu l’argentique ?

Je pourrais dire « depuis 42 ans » mais ça ne serait pas complètement exact puisque j’ai eu une période numérique qui a duré une petite dizaine d’années.

Mon père qui était médecin était passionné de photographie. Il avait accumulé au fil des ans toute une série d’appareils dans un grand tiroir. Il y avait là un Agfa Isolette, un Diana F, un Kodak Brownie, et bien d’autres encore. Je les ai tous essayé. C’était en 1974.

Pourquoi pratiques-tu la photographie argentique ?

Pour moi la photo a toujours été argentique. Le numérique dont je rêvais à la fin des années 80 était censé être ce truc un peu magique qui devait nous permettrait d’utiliser notre matos argentique avec des sortes de cartouches 24×36 transformées en capteurs numériques (http://www.siliconfilm.com).

Mais ça n’a jamais été le cas. A la place, nous assistons à une course aux pixels sans fin. Lorsque mon numérique est tombé en panne après seulement quelques centaines de déclenchements, j’ai dit stop. J’ai chargé le vieux Yashica 35 de mon père avec une cartouche d’HP5 et je suis comme sorti d’un cauchemar, j’ai retrouvé un vrai plaisir.

Au delà de la démarche purement pragmatique, il y a une idéologie, une philosophie, un questionnement intense sur ce qu’est la photographie. Aujourd’hui tout le monde est photographe, j’ai envie de redonner avec l’argentique une certaine magie à l’acte, un peu de mystère.

Aujourd’hui nous sommes saturés d’images, j’ai envie de ralentir le rythme, de réfléchir plus, de faire moins de photos peut-être. Je développe mes films moi-même et ça fait partie intégrante du plaisir de l’argentique.

Quel est ou quels sont tes appareils photos de prédilection ?

Mon premier boîtier a été un Canon AE-1. J’ai fait toutes mes études avec lui, depuis je suis resté attaché à la marque. Aujourd’hui j’utilise surtout un Canon A1, un T90 et un télémétrique (Canon P avec des optiques russes). Mais j’ai aussi un autre A1, un Canon FTb, un Canonet 28, un Canon F1, deux Yashica Electro 35 (optique fabuleuse !), 2 ou 3 Zorki,… quand on aime on ne compte pas !

L'arbre | Liège | 2015
L’arbre | Liège | 2015 de Frédéric Hérion

Que fais-tu lorsque tu ne photographies pas ?

Ben je développe mes films 😉

Je ne sais plus quel photographe très connu a dit qu’il ne fallait jamais sortir de chez soi sans son appareil photo. C’est ce que je fais, donc finalement je suis toujours en sortie photo…

Si tu devais choisir un film et un appareil là maintenant tout de suite…

Je ne peux pas choisir entre les 3 cités plus haut, c’est impossible, j’y laisserai une partie de moi-même.

Il y a un truc avec les vieux argentiques (je ne parle pas de moi mais des boitiers hein 😉 ) : c’est que j’ai pour eux une certaine tendresse. J’ai un jour acheté pour 45 euros un Canon A1 sur une brocante, il trainait au fond d’une caisse, couvert de poussière, rendez-vous compte : un  des appareils les plus aboutis de la gamme Canon à l’époque. Débarrassé de sa poussière, une nouvelle pile l’a rendu à la vie. N’est-ce pas émouvant de voir ce boîtier fabriqué avec soin et amour il y a plus de 30 ans, fonctionner encore parfaitement ?

Par contre je suis moins attaché au type de film. Je prendrai du HP5, un vieux complice des années 80 qui ne m’a jamais déçu

Nuits debout à Liège | 2016 (Krasnyi)
Nuits debout à Liège | 2016 (Krasnyi) de Frédéric Hérion

Qui t’inspire ? (et pas forcément en argentique)

Dans les anciens, je citerais principalement Doisneau, Willy Ronis, W. Eugene Smith, Elliot Erwit.

Dans les actuels, et je vous assure que je dis ça sans aucune flagornerie mais avec une extrême sincérité, ceux qui m’inspirent le plus par leur sincérité et leur talent sont mes collègues du collectif Krasnyi.

Anciens et actuels font des images qui me donnent la chair de poule, qui me donnent le goût et l’envie de faire de photos.

As-tu des thèmes photos de prédilection ?

J’ai recommencé à prendre des photos régulièrement depuis que je suis revenu à l’argentique il y a 4-5 ans et je ne me suis imposé aucun thème. Juste le plaisir retrouvé de « faire du film ».
J’adore me balader seul dans les rues appareil à la main et saisir dans l’instant des scènes de vie.

Si je jette un regard en arrière je dois reconnaître qu’il y  a un thème qui revient à travers toutes mes images : le vide ou la solitude. Certaines images sont plus graphiques, d’autre plus narratives mais ce thème central du vide est omniprésent. Ce n’est pas une démarche préméditée, c’est un constat a posteriori.

A côté de cela, je collabore à un collectif de photographes « Krasnyi Collective ». Il rassemble quelques passionnés de l’image qui partagent les mêmes engagements dans les mouvements sociaux. Bouleversements politiques, sociaux économiques ou environnementaux sont nos thèmes.

Notre regard n’est pas neutre mais engagé. Je vous invite à découvrir nos images sur le site krasnyicollective.com

Manifestation contre le centre fermé de Vottem à Liège | 2016 (Krasnyi)
Manifestation contre le centre fermé de Vottem à Liège | 2016 (Krasnyi) de Frédéric Hérion

Travailles-tu sur des projets particuliers en ce moment ? Du moins si tu peux en parler…

J’ai habité longtemps en ville et j’y ai pris beaucoup de photos, j’adore me balader appareil au poing dans ma bonne ville de Liège où je me perds et me retrouve à chaque coins de rue.

Aujourd’hui, à la faveur d’un déménagement dans les Hautes Fagnes (zone de tourbières, de landes et de forêts de l’est de la Belgique), j’ai démarré un nouveau projet qui va mêler prises de vue argentique actuelles et vieilles plaques de verre du début du siècle. Ça parlera sans doute encore de vide, de solitude et peut-être de disparition.

Parking des Guillemins à Liège | 2015
Parking des Guillemins à Liège | 2015 de Frédéric Hérion

Nous tenons à remercier Frédéric pour avoir passé du temps avec nous afin de parler argentique. Si toi aussi tu souhaites parler de ton travail argentique, n’hésites pas à nous envoyer un mail !

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