Aujourd’hui, nous vous présentons le projet de Frédéric Sartiaux autour du Vest Pocket, où comment allier l’Histoire de France et celle de la photographie.

Bonjour Frédéric, bien que tu nous aies déjà présenté ton sac, pourrais-tu te présenter succinctement pour nos lecteurs ?
La présentation de mon sac, c’était il y longtemps ! J’étais à l’époque bourguignon, depuis je suis devenu Soissonnais. J’étais rédacteur en chef du magazine En Bourgogne, je suis médiateur culturel au sein du Service Patrimoine de la Ville de Soissons avec la chance de pouvoir associer patrimoine et photographie… J’ai convaincu toute l’équipe de l’intérêt de l’argentique, de l’utiliser comme outil notamment avec le jeune public pour aborder le patrimoine de manière ludique. Il y a eu aussi plusieurs livres, l’un sur l’abbaye de Fontenay qui a obtenu le prix du livre patrimoine en 2014, un sur Soissons récemment. L’un de mes grands souhaits reste de publier un ouvrage en travaillant uniquement en argentique en noir et blanc et en associant des lieux qui me touchent avec des textes très personnels.

Tu nous reviens aujourd’hui avec un nouveau projet un peu particulier, une journée autour d’un appareil. Peux-tu nous dire comment l’idée est venue ?
Nous sommes en plein dans les commémorations de 14-18. Des commémorations d’autant plus importantes dans nos régions du Nord de la France puisque la guerre s’est déroulée ici. Soissons fut ville du front. Elle est détruite à 80 % avant que le conflit ne cesse en novembre 1918. Et il faut bien dire que le public peut commencer un peu à saturer. Alors comment aborder ce sujet différemment ? J’ai constaté que dès 1914 beaucoup de soldats photographiaient leur quotidien sur le front livrant ainsi une vision plus intime de cette guerre. Nous voulons travailler sur la mémoire, le témoignage. Et on a découvert que pour témoigner, défiant la censure, de nombreux poilus avaient dans leur poche un Vest Pocket de Kodak…

Pourquoi avoir choisi le Vest Pocket de Kodak ?
Les raisons sont multiples. Sa large diffusion durant 14-18 d’abord. Il est commercialisé par Kodak « au bon moment », en 1913 et la marque va en écouler plus d’1,7 million d’exemplaires jusqu’en 1926. On le trouve donc encore facilement et Rollei fabrique toujours des pellicules au format 127. Son succès réside dans ses faibles dimensions. Il tient dans une poche et donc il y a un vrai clin d’œil à un siècle de distance avec la photo prise au téléphone portable… De quoi intriguer les jeunes générations ! Le Vest Pocket est minimaliste dans ses réglages. Il va nous permettre d’évoquer 14-18 mais aussi d’apporter à nos actions une dimension pédagogique et créatrice en organisant par exemple des ateliers de prise de vue sur le Chemin des Dames même. On associe les événements historiques, la lecture de paysage, l’initiation à l’argentique…

Est-ce un appareil qui avait déjà un sens pour toi avant ce projet ?
Mon intérêt pour l’argentique ne cesse de grandir ! Au point d’être devenu iconomécanophile. Je ne suis pas collectionneur dans l’âme mais depuis le début de la photographie, les différents fabricants n’ont eu de cesse d’innover, de créer des appareils plus ou moins étonnants. Je conçois cela comme une approche d’historien. Donc oui le Vest Pocket ne m’était pas inconnu… Mais ma curiosité se transforme aujourd’hui en désir d’utiliser ces appareils d’un autre temps, avec le plaisir d’avoir l’impression de leur redonner vie… C’est que nous allons faire avec le Vest Pocket.

Cette journée lie l’Histoire de la France et celle de la photographie, ce qui est plutôt original. As-tu été aidé ? Comment avez-vous travaillé le projet ?
Au départ, c’est le constat de l’emploi du Vest Pocket par les poilus. Le patrimoine pour moi, c’est du partage. Du partage de connaissances, du partage d’expériences… C’est aussi étonner, sensibiliser, sortir des sentiers battus, imaginer et faire appel aux émotions… Alors ce qui était un constat est devenu une idée… « Et si on essayait de faire des photos avec le Vest Pocket ? » J’ai la chance de travailler au sein d’une équipe qui a pour énergie l’enthousiasme. Alors avec Karine Jagielski, notre animatrice du patrimoine, on a réfléchi comment il pourrait être utilisé au service d’une meilleure connaissance du patrimoine et de notre histoire locale imprégnée par les combats de 14-18, par le souvenir poignant de la bataille du Chemin des Dames d’avril 1917, par les lieux et les éléments tangibles qui nous font écho de la guerre de 14-18. Notre élu en charge du patrimoine nous a suivi. Et ce projet ne suscite que de l’intérêt et même des amitiés. Ainsi fin novembre, nous étions Vest Pocket en mains sur le Chemin des Dames avec les deux animatrices d’un blog plein de poésie et de philosophie, Paule-Elise et Hélène Boudou qui avant nous ont eu l’idée d’utiliser le Vest Pocket sur des sites liés à 14-18. Était aussi de la partie Anthony Petiteau, chargé des collections photographiques au musée de l’Armée… Ce projet est fort en émotions.

Peux-tu nous présenter rapidement le déroulement de la journée et nous dire comment participer ?
Ce 17 février pour le Service Patrimoine marque le début d’une année durant laquelle le Vest Pocket sera l’un des acteur principaux de nos activités. C’est une journée placée sous le signe de la découverte. Manipulation de l’appareil le matin, prises de vue et analyse de photos réalisées, témoignages de Paule-Elise, Hélène et Anthony, de leurs expériences avec le Vest Pocket. Témoignages aussi de collégiens que j’aurai emmené début février sur le Chemin des Dames avec des Vest Pocket. Et comme il n’y avait pas que le Vest Pocket dans la vie des photographes il y a un siècle, nous présentons d’autres appareils lui étant contemporains… L’accès est libre. Pour participer, il suffit de contacter le Service Patrimoine au 03.23.93.30.50.

Quelles sont les suites de cette journée un peu particulière ?
Dès les vacances de février, nous proposons deux stages (les 27-28 février pour les ados ; les 3-4 mars pour les adultes autour du Vest Pocket) associant un peu d’histoire mais surtout la prise de vue avec le Vest Pocket. Nous aborderons les fondamentaux de la prise de vue (vitesse, ouverture, etc.) puis l’idée sera d’aiguiser le regard de chaque participant. Ce sont des stages là aussi placés sous le signe de l’échange et du plaisir partagé avec l’initiation au développement. Le Vest Pocket est inspirant, nous organiserons sans doute des conférences un peu plus tard dans l’année, d’autres stages également qui pourraient, pourquoi pas, déboucher sur une exposition…

Et la suite de tes projets ?
J’ai le souci de sensibiliser à la pratique argentique et de donner l’envie. Ce sera le cas le 9 février lors d’une conférence intitulée Pourquoi photographier en argentique en 2018 ? J’ai actuellement en cours un travail photo sur Soissons. Mes prises de vue, évoquant des notions d’architecture, feront l’objet d’une performance le 13 mai : les photos seront projetées et des danseuses esquisseront en écho des mouvements évoquant la notion d’architecture photographiée. Là aussi, c’est un projet initié par le Service Patrimoine. Un autre travail en sténopé panoramique est en cours consacré au Chemin des Dames et un autre, principalement au moyen format, sur des sites industriels du Soissonnais, que l’on parle de friches ou de sites en activité. La photo argentique noir et blanc constitue pour moi un champ d’expression inépuisable. J’aime écrire, j’aime photographier en noir et blanc. Ce sont deux moyens d’expression de l’âme.
Nous remercions Frédéric pour la présentation de ce beau projet !

Desormeaux
Bonjour. Je suis vraiment très intéressé par ces appareils. Avec quelle pellicule peut on les utiliser ? Merci. Herve.
yves brouard
Je viens de jeter un coup d’œil sur les photos relatives au « Vest Pocket ». Mon pére ancien poilu de 14 ( j’ai 80 ans ) était correspondant aux armées et a ce titre utilisé un « Vest Pocket » . Je possède bien sur un appareil de ce type ( pas le sien….) et surement des négatifs ( pas fameux !… ) fait avec cet appareil . Je suis étonné qu’a la photo numéro 3, une pellicule 24/36 , la boite a développer et- sa spire de ce même format 24/36 soient (film et boite + spire ) présenté comme étant supposé être utilisé pour les pellicules en provenance du » Vest Pocket » !!!!! En fait l’appareil utilisait des pellicules au format Kodak bien plus grd que nos 35 mm actuel et plus voisin d’un 65×45 mm . Je pense qu’il eût été plus interressant de présenter au moins les deux formats de négatif : 127 comparé au 35 mm
Thierry
Beau projet! Est-il nécessaire d’apporter son Vest Pocket ou pouvez-vous en mettre à disposition?
FERRY
Bonjour,
Ce projet fait résonance avec un de mes projet en cours.
Mon grand-père paternel a traversé la guerre de 14-18 jusqu’en avril 1918 (blessé devant Verdun en septembre 17, en convalescence jusqu’en avril 1918) avec dans sa poche un Vest. J’ai écrit son histoire à partir des archives familiales retrouvées miraculeusement. Il développait les pellicules en secondes lignes et se faisait livrer les produits par colis au milieu des denrées alimentaires (nous trouvons traces des commandes et des envois à travers ses courriers).
Notre projet familial est de mettre nos pas dans celui de notre aïeul et de refaire le Chemin.
Bien sûr nous ferons des clichés avec un Vest (j’en ai sauvé trois) et avec un appareil numérique.